La vaste plaine verte qui s’étendait à perte de vue était parsemée ça et là de maisons entourées de clôtures, qui, bizarrement, avaient toutes les volets fermés et les portes barricadées. A part les trois silhouettes qui voyageaient à découvert dans les hautes herbes, luttant contre le vent, la plaine était étrangement déserte, et aucun son n’indiquait le contraire, dans le brouhaha incessant du vent sur l’herbe qui sifflait.
Ykalli avançait devant comme d’habitude, et Orkin la suivait, courbé, portant l’énorme sac. Cependant, ils n’étaient plus deux à présent. Orkin avait dû se résoudre à emmener avec eux le loup qui avait été « adopté » par Ykalli. Pendant leur voyage, l’animal ne s’était pas éloigné de la jeune fille. Même pendant la nuit Osuwari continuait à veiller sur elle. Ce qui agaçait Orkin, c’était que l’animal ne le supportait pas depuis qu’il lui avait accidentellement marché sur la queue, ce qui avait déclenché les hostilités entre eux. Il ne pouvait même plus s’approcher à deux mètres d’elle sans subir les aboiements du bestiau et les « Tu vois bien que tu l’énerve ! » d’Ykalli.
- C’est bien joli l’herbe qui chante, mais est-ce qu’on sait seulement où on va ?
Tandis qu’il posait l’énorme sac par terre, Osuwari lui lança un regard noir, ce à quoi il répliqua :
- Ok, on est dans le royaume de Less’Kilerr. Ok, c’est le plus puissant des empereurs. Mais qu’est-ce qu’on est censés faire ? C’est complètement vide, ici, rien que des plaines désertes, et voilà les premières habitations qu’on rencontre. Sauf qu’elles aussi sont désertes. Pour trouver du monde, il faudrait trouver une ville, et on ne sait pas où se trouve la capitale. Ce royaume est immense, elle pourrait être à l’autre bout. En plus, elle doit être férocement gardées et extrêmement bien surveillée. En tant qu’empereur des empereurs, Less’Kilerr doit avoir une défense infranchissable, et des espions qui lui rapportent les moindres faits et gestes de la population par mesure de sécurité. D’après ce que j’ai entendu dire sur lui, ça a l’air d’être exact.
Il fit une pause.
- Je pense juste que si nous voulons faire quelque chose, il nous faut savoir où l’on va, connaître notre but, ainsi que comment y aller. Et si on n’en a pas, alors il faut rejoindre les villes, on trouvera toujours des choses plus intéressantes qu’ici, t’es pas d’accord ? Avancer toujours ne nous mènera à rien. Alors, qu’est-ce que t’en pense ?